Saines lectures

L’Église comme bouc émissaire

"Depuis l'holocauste, en revanche, on n'ose plus s'en prendre au judaïsme, et le christianisme est promu au rôle de bouc émissaire numéro un. Tout le monde s'extasie sur le caractère aéré, sainement sportif de la civilisation grecque, face à l'atmosphère renfermée, soupçonneuse, maussade, répressive de l'univers judaïque et chrétien. C'est là le b-a ba de l'université, c'est aussi le vrai lien entre les deux nietzschéismes du XXe siècle, leur hostilité commune à notre tradition religieuse.

Pour que notre monde échappe vraiment au christianisme, il lui faudrait renoncer vraiment au souci des victimes et c'est bien ce que Nietzsche et le nazisme avaient compris. Ils espéraient relativiser le christianisme, révéler en lui une religion comme les autres, susceptible d'être remplacée ou bien par l'athéisme, ou bien par une religion vraiment nouvelle, complètement étrangère à la Bible (...).

La tentative pour faire oublier aux hommes le souci des victimes, celle de Nietzsche et de Hitler, s'est soldée par une faillite qui semble définitive, au moins pour l'instant. Le triomphe du souci des victimes, ce n'est pourtant pas le christianisme qui en profite dans notre monde, c'est ce qu'il faut appeler l'autre totalitarisme, le plus malin des deux, le plus riche d'avenir, de toute évidence, aussi bien que de présent, celui qui, au lieu de s'opposer ouvertement aux aspirations  judéo-chrétiennes, les revendique comme sa chose à lui et conteste l'authenticité du souci des victimes chez les chrétiens (non sans une certaine apparence de raison au niveau de l'action concrète, de l'incarnation historique du christianisme réel au cours de l'histoire).

Au lieu de s'opposer franchement au christianisme, l'autre totalitarisme le déborde sur sa gauche.

Tout au long du XXe siècle, la force mimétique la plus puissante n'a jamais été le nazisme et les idéologies apparentées, toutes celles qui s'opposent ouvertement au souci des victimes, celles qui en reconnaissent volontiers l'origine judéo-chrétienne. Le mouvement antichrétien le plus puissant est celui qui réassume et "radicalise" le souci des victimes pour le paganiser. Les puissances et les principautés se veulent "révolutionnaires" désormais et reprochent au christianisme de ne pas défendre les victimes avec assez d'ardeur. Dans le passé chrétien, elles ne voient que persécutions, oppressions, inquisitions.

L'autre totalitarisme se présente en libérateur de l'humanité et, pour usurper la place du Christ, les puissances l'imitent de façon rivalitaire, elles dénoncent dans le souci chrétien des victimes une hypocrite et pâle imitation de l'authentique croisade contre l'oppression et la persécution dont elles seraient le fer de lance.

Dans le langage symbolique du Nouveau Testament, on peut dire que, pour essayer de se rétablir et triompher à nouveau, Satan dans notre monde emprunte le langage des victimes. Satan imite de mieux en mieux le Christ, et prétend le dépasser (...). C'est le processus que le Nouveau Testament évoque dans le langage de l'Antéchrist. Pour comprendre ce terme, il faut commencer par le dédramatiser, car il correspond à une réalité très quotidienne, très prosaïque.

L'Antéchrist se flatte d'apporter aux hommes la paix et la tolérance que le christianisme leur promet mais ne leur apporte pas. En réalité, ce que la radicalisation de la victimologie contemporaine apporte, c'est un retour très effectif à toutes sortes d'habitudes païennes, l'avortement, l'euthanasie, l'indifférenciation sexuelle, les jeux du cirque à gogo, mais sans victimes réelles, grâce aux simulations électroniques, etc.

Le néo-paganisme veut faire du Décalogue et de toute la morale judéo-chrétienne une violence intolérable et leur abolition complète est le premier de ses objectifs. L'observance fidèle de la loi morale est perçue comme une complicité avec les forces de persécution qui seraient essentiellement religieuses.

Comme les Églises chrétiennes ont pris conscience tardivement de leurs manquements à la charité , de leur connivence avec l'ordre établi, dans le monde d'hier et d'aujourd'hui, toujours "sacrificiel", elles sont particulièrement vulnérables au chantage permanent auquel le néo-paganisme contemporain les soumet. Ce néo-paganisme situe le bonheur dans l'assouvissement illimité des désirs et, par conséquent, dans la suppression de tous les interdits. L'idée acquiert un semblant de vraisemblance dans le domaine limité des biens de consommation dont la multiplication prodigieuse, grâce au progrès technique, atténue certaines rivalités mimétiques, conférent une apparence de plausibilité à la thèse qui fait de toute loi morale un pur instrument de répression et de persécution".


(René Girard - Je vois Satan tomber comme l'éclair)

L'indispensable enseignement de la beauté chrétienne

"Il est certain que la neutralité est un mensonge. Le système laïque n'est pas neutre, il communique aux enfants une philosophie qui est d'une part très supérieure à la religion genre Saint-Sulpice, d'autre part très inférieure au christianisme authentique.
(...)
Conserver à la philosophie laïque son statut officiel serait une mesure arbitraire, injuste en ce qu'elle ne répond pas à l'échelle des valeurs, et qui nous précipiterait tout droit dans le totalitarisme (...). Le courant idolâtre du totalitarisme ne peut trouver d'obstacle que dans une vie spirituelle authentique. Si on habitue les enfants à ne pas penser à Dieu, ils deviendront fascistes ou communistes par besoin de se donner à quelque chose.
(...)
Une âme jeune qui s'éveille à la pensée a besoin du trésor amassé par l'espèce humaine au cours des siècles. On fait tort à un enfant quand on l'élève dans un christianisme étroit qui l'empêche de jamais devenir capable de s'apercevoir qu'il y a des trésors d'or pur dans les civilisations non chrétiennes. L'éducation laïque fait aux enfants un tort plus grand. Elle dissimule ces trésors, et ceux du christianisme en plus.
(...)
Il est absurde au plus haut point qu'un bachelier ait pris connaissance des poèmes du Moyen Age, de Polyeucte, d'Athalie, de Phèdre, de Pascal, de Lamartine, de doctrines philosophiques imprégnées de christianisme comme celles de Descartes et de Kant, de la Divine Comédie ou du Paradise Lost, et qu'il n'ait jamais ouvert la Bible.
(...)
En conséquence, il faudrait inclure dans l'enseignement de tous les degrés, pour les enfants un peu grands, des cours qu'on pourrait étiqueter, par exemple, histoire religieuse (...). On parlerait du dogme comme d'une chose qui qui a joué un rôle de première importance dans nos pays, et à laquelle des hommes de première valeur ont cru de toute leur âme ; on n'aurait pas non plus à dissimuler que quantité de cruautés y ont trouvé un prétexte ; mais surtout on essaierait de rendre sensible aux enfants la beauté qui y est contenue. S'ils demandent : "Est-ce vrai ?", il faut répondre : "Cela est si beau que cela contient certainement beaucoup de vérité. Quant à savoir si c'est ou non absolument vrai, tâchez de devenir capables de vous en rendre compte quand vous serez grands" (...)
Tout instituteur ou professeur qui le désirerait et qui aurait les connaissances et le talent pédagogique nécessaires serait libre de parler aux enfants non seulement du christianisme mais aussi, quoi qu'en insistant beaucoup moins, de n'importe quel autre courant de pensée authentique. Une pensée religieuse est authentique quand elle est universelle par son orientation (ce n'est pas le cas du judaïsme, qui est lié à une notion de race).


Si une telle solution était appliquée, la religion cesserait peu à peu, il faut l'espérer, d'être une chose pour ou contre laquelle on prend parti de la même manière qu'on prend parti en politique. (...) Le contact avec la beauté chrétienne, présentée simplement comme une beauté à savourer, imprégnerait insensiblement de spiritualité la masse du pays, si toutefois le pays en est capable, bien plus efficacement qu'aucun enseignement dogmatique des croyances religieuses."

(Simone Weil, L'Enracinement)

L'avant-dernier échelon qui précède la foi parfaite

"- Mais peut-on croire au diable sans croire en Dieu ? demanda en souriant Stavroguine.
- Oh ! C'est très possible et cela arrive souvent. - Tikhone leva les yeux et sourit aussi.
- Et je suis certain que vous considérez un telle foi comme plus respectable que l'incrédulité complète.- Stavroguine éclata de rire. Tikhone sourit de nouveau.
- Au contraire, l'athéisme complet est plus respectable que l'indifférence des gens du monde, répliqua-t-il presque gaîment, tout en considérant cependant son hôte avec un certaine inquiétude.
- Oh ! oh ! Comme vous y allez ! Vraiment, vous m'étonnez.
- L'athée parfait occupe l'avant-dernier échelon qui précède la foi parfaite (fera-t-il ou pas ce dernier pas, ceci est une autre question) ; l'indifférent, au contraire, n'a aucune foi mais uniquement une mauvaise crainte, par moments, et s'il est un homme sensible.
- Hum !... Vous avez lu l'Apocalypse ?
- Oui.
- Vous souvenez-vous : "Ecris à l'Ange de l'Eglise de Laodicée" ?
- Je me souviens.
(...) Tikhone récita le passage :
"Et écris à l'ange de l'Eglise de Laodicée :
"Voici ce que dit l'Amen, le témoin fidèle et véritable, le principe de la création de Dieu :
"Je connais tes œuvres : tu n'es ni froid ni chaud. Oh ! si tu étais froid ou chaud ! Mais parce que tu es tiède, et que tu n'es ni froid, ni chaud, je te vomirai de ma bouche. Car tu dis : je suis riche, je me suis enrichi, et je n'ai besoin de rien, et tu ne sais pas que tu es misérable, et pauvre, et aveugle, et nu..."
"Assez ! interrompit Stavroguine. Vous savez, je vous aime beaucoup."


(Dostoïevski - Les démons ou Les possédés


L'antisémitisme propage l'influence juive 

"Dieu a fait à Moïse et à Josué des promesses purement temporelles à une époque où l’Égypte était tendue vers le salut éternel de l'âme. Les Hébreux, ayant refusé la révélation égyptienne, ont eu le Dieu qu'ils méritaient : un Dieu charnel et collectif qui n'a parlé jusqu'à l'exil à l'âme de personne (...). Il n'est pas étonnant qu'un peuple d'esclaves fugitifs, conquérants d'une terre paradisiaque aménagée par des civilisations au labeur desquelles ils n'avaient eu aucune part et qu'ils détruisirent par des massacres, - qu'un tel peuple n'ait pu donner grand-chose de bon. Parler de "Dieu éducateur" au sujet de ce peuple est une atroce plaisanterie.
Rien d'étonnant qu'il y ait tant de mal dans une civilisation - la nôtre - viciée à sa base et dans son inspiration même par cet affreux mensonge. La malédiction d'Israël pèse sur la chrétienté. Les atrocités, l'Inquisition, les exterminations d'hérétiques et d'infidèles, c'était Israël. Le capitalisme, c'était Israël, notamment chez ses pires ennemis.
(...)
Israël. Tout est souillé et atroce, comme à dessein, à partir d'Abraham inclusivement (sauf quelques prophètes). Comme pour indiquer tout à fait clairement : Attention ! là c'est le mal !
Peuple élu pour l'aveuglement, élu pour être le bourreau du Christ.

Les Juifs, cette poignée de déracinés a causé le déracinement de tout le globe terrestre. Leur part dans le christianisme a fait de la chrétienté une chose déracinée par rapport à son propre passé. La tentative de réenracinement de la Renaissance a échoué parce qu'elle était d'orientation antichrétienne. La tendance des "lumières", 1789, la laïcité, etc., ont accru encore infiniment le déracinement par le mensonge du progrès. Et l'Europe déracinée a déraciné le reste du monde par la conquête coloniale. Le capitalisme, le totalitarisme font partie de cette progression dans le déracinement ; les antisémites, naturellement, propagent l'influence juive. Mais avant qu'ils déracinent par le poison, l'Assyrie en Orient, Rome en Occident avaient déraciné par le glaive".
(Simone Weil, La pesanteur et la grâce). 


Une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure

"Imbéciles ! N'êtes-vous pas les fils ou les petits-fils d'autres imbéciles qui, au temps de ma jeunesse, face à ce colossal Bazar que fut la prétendue Exposition Universelle de 1900, s'attendrissaient sur la noble émulation des concurrences commerciales, sur les luttes pacifiques de l'Industrie ?... A quoi bon, puisque l'expérience de 1914 ne vous a pas suffi ? Celle de 1940 ne vous servira d'ailleurs pas davantage. Oh ! ce n'est pas pour vous, non ce n'est pas pour vous que je parle! Trente, soixante, cent millions de morts ne vous détourneraient pas de votre idée fixe : « Aller plus vite, par  n'importe quel moyen. » Aller vite ? Mais aller où ? Comme cela vous importe peu, imbéciles! Dans le moment même où vous lisez ces deux mots : Aller vite, j'ai beau vous traiter d'imbéciles, vous ne me suivez plus. Déjà votre regard vacille, prend l'expression vague et têtue de l'enfant vicieux pressé de retourner à sa rêverie solitaire... « Le café au lait à Paris, l'apéritif à Chandernagor et le dîner à San Francisco », vous vous rendez compte I.. Oh ! dans la prochaine inévitable guerre, les tanks lance-flammes pourront cracher leur jet à deux mille mètres au lieu de cinquante, le visage de vos fils bouillir instantanément et leurs yeux sauter hors de l'orbite, chiens que vous êtes! La paix venue vous recommencerez à vous féliciter du progrès mécanique. « Paris-Marseille en un quart d'heure, c'est formidable ! » Car vos fils et vos filles peuvent crever : le grand problème à résoudre sera toujours de transporter vos viandes à la vitesse de l'éclair. Que fuyez-vous donc ainsi, imbéciles ? Hélas I c'est vous que vous fuyez, vous-mêmes — chacun de vous se fuit soi-même, comme s'il espérait courir assez vite pour sortir enfin de sa gaine de peau... On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l'on n'admet pas d'abord qu'elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure. Hélas! la liberté n'est pourtant qu'en vous, imbéciles! "
(Georges Bernanos, La France contre les robots)

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