jeudi 24 mai 2012

Entre deux

Il est dix heures du matin, le soleil perce vaguement la couche de nuages grisâtres qui plane en permanence sur la cité cyclopéenne où j'ai posé mes guêtres. Ayant réussi à échapper pour quelques temps aux diverses obligations professionnelles et familiales en vigueur, je m'offre une parenthèse, un sursis (comme disait Jean-Jacques).

Entre deux changeages de couches, entre deux journées au bureau, entre deux élections nationales de la plus haute importance (surtout pour les candidats).

Les élections, justement. C'est facile de rigoler du fameux rituel dominical, avec ses petites enveloppes, son suspense insoutenable, ses soirées spéciales à la télé, la joie des uns, la tristesse des autres (alors qu'il leur suffirait de changer de camp à 20H00 pour aller faire la fête dans la rue). Mais il faut admettre un truc, c'est que tout ce cirque a des effets stimulants sur les esprits. On relève la tête du train-train quotidien, on regarde autour de soi, on s'effraie, on se scandalise, on échafaude des plans.

On ne trouvera personne pour dire que tout va bien (ceux là sont probablement partis en vacances). Alors chacun va chercher l'erreur, le responsable de la chute, du malheur, de l'usure du monde. En fonction de sa grille de lecture, on choisit qui montrer du doigt : les riches, les banquiers, les patrons, les pas-blancs-de-peau, les musulmans, les assistés, les fonctionnaires, les bobos, les médias. Tout cela à grand renforts de faits avérés.

Chacun cherchera aussi ses références, ses modèles, convoquera l'Histoire (pas la science sociale du même nom, mais le récit qui donne des repères). Jeanne d'Arc, Staline, Jules Ferry, Mitterrand, les résistants avec nous ! (et De Gaulle au fait ? Plus personne ne se réclame de De Gaulle ?)


Ce n'est pas qu'on veuille ici renvoyer tout le monde dos à dos, où qu'on se croie au dessus de la mêlée. On a ses opinions, ici aussi, et ses références historiques, et ses héros, et ses espoirs. Mais on a aussi une conscience aigüe de ce que toute opinion politique implique de renoncer à la lucidité, et vice-versa. On ne sera donc ni totalement lucide, ni vraiment militant. Ça dépendra des jours.

Ce blog aura pour objet la description du monde en train de se casser la gueule, et des effets de la chute sur les âmes de nos contemporains. Leurs mythes, leurs rêves, leurs cauchemars, seront recueillis et commentés ici avec bienveillance ; car on sait ici que derrière le discours le plus haineux il y a un petit cœur qui bat.

Regards amusés, donc, mais jamais cyniques.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire