mardi 10 juillet 2012

Les vikings attaquent les droits de l'homme

Il reste au moins un pays libre en Europe.

Cela s'appelle la Norvège.

Dans cette riante contrée, qui a eu la présence d'esprit de ne point adhérer aux funestes institutions de l'Union européenne, on peut encore légiférer comme on l'entend sans se faire retoquer par les fanatiques ultralibéraux de Bruxelles ou de Luxembourg.

Bien sûr, en renonçant à adhérer au fan-club Jean Monnet, les vikings ont renoncé aux délices de l'euro et à la prospérité économique qui va avec. Mais bon, ils ont du pétrole. Et un bon plein vaut mieux que deux tu l'euro, si je puis dire (même si je reste optimiste quant au retour de la croissance dans la zone du même nom. Suffit d'attendre un peu, de libéraliser le marché du travail et de prier saint Arnaud-du-redressement).

Bref, ils ont dédaigné le luxe et les richesses de l'Europe, mais ils ont gagné la liberté. Dans l'histoire du chien et du loup, eux, c'est le loup.

Et à quoi occupent-ils donc leur liberté, s'il vous plaît ? A pondre des lois contre les propriétaires, rien de moins. Z'ont peur de rien, les mecs. Alors que chez nous, la moindre évocation d'une mesure affectant les revenus des plus riches provoque une levée de boucliers (fiscaux) sur l'air de "les riches vont faire leurs valises et vous aurez plus qu'à vous partager la misère entre pauvres, bande de pauvres", en Norvège, ils en ont rien à cirer.

Et donc ils ont sorti une mesure d'encadrement des loyers assez corsée, puisqu'elle interdit de réévaluer un loyer même lors de la signature d'un nouveau bail, en dehors d'une augmentation légale basée sur l'augmentation du coût de la vie. Et ça dure depuis 2004, sans que l'on ait constaté un exode de riches Norvégiens sur nos plages normandes (pas depuis Rollon en tout cas).

Eh bien figurez-vous qu'il y a quand même une bande de pignoufs en robe de chambre qui a trouvé le moyen de sanctionner la Norvège pour cette atrocité commise aux portes de l'Europe. C'est que la Norvège a quand même commis la maladresse de signer la Convention européenne des  droits de l'homme, probablement dans un accès de sentimentalisme.

Alors les droits de l'homme ça paraît sympa comme ça, droit à la vie, à l'intégrité physique, à la liberté d'expression, à un procès équitable... Mais tout ça n'est rien en comparaison du droit le plus sacré : le droit de propriété. Et il apparaît que d'après la Cour européenne des droits de l'homme, sise à Strasbourg, la législation norvégienne sur l'encadrement des loyers constitue une intolérable atteinte au droit de l'homme propriétaire.

Ces ignobles barbares nordiques ont donc mis en place un mécanisme qui n’a pas « ménagé un juste équilibre entre les intérêts des bailleurs, d’une part, et ceux des locataires, d’autre part » (§ 128).

Et ça, l'équilibre entre les bailleurs et les locataires, c'est important. Évidemment, on pourrait avoir un autre point de vue sur l'équilibre : on pourrait estimer que le seul fait que certains soient propriétaires d'une baraque et que d'autres doivent leur donner des sous pour avoir le droit d'y habiter constitue déjà en soi un déséquilibre. Mais ça serait du communisme.

La Norvège est donc invitée  invitée à modifier sa législation, la Cour n'hésitant pas à préconiser des « mesures de redressement » dont on nous indique (dans l'article en lien ci-dessus) qu'il s'agit "d'une démarche d’origine prétorienne" dont les juges européens usent d'habitude  "avec une relative parcimonie". Mais là, on était sur un truc grave, il était donc légitime de sortir l'artillerie lourde.

Sur ce blog, on a tendance à considérer que les législations qui consistent à taxer les riches ou encadrer les loyers ne sont que pis-aller qui ne permettent pas d'aller au fond du problème, à savoir les causes des inégalités de revenus et de patrimoine.

Mais on considère surtout qu'un pays devrait avoir le droit de faire les lois qu'il veut pour encadrer la propriété comme il l'entend. Voir la souveraineté populaire censurée au nom des droits de l'homme quand elle voulait alléger le fardeau des moins fortunés, ça fait mal au fondement.

Cependant je lis sur le site officiel de la Norvège que "Pour la Norvège, la réforme de la Cour européenne des droits de l’homme constitue l’un des dossiers prioritaires". Et on les comprend.

Ressortez les drakkars, les gars. On est avec vous.

D'après ce document du ministère norvégien du pillage, une expédition punitive vers Strasbourg n'est pas à exclure (source: wikipedia).



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