lundi 1 août 2016

La Bible tu ne liras point

Avant-hier sur la station de radio "France" "Culture", allumée on ne sait pourquoi dans notre champ d'audition : le philosophe (*) Michel Onfray délivre son enseignement à la foule. Critique de l'emprise des médias sur les cerveaux, appels à éteindre télés et smartphone... Ça ne vole pas très haut, mais on se prend à tendre une oreille sympathisante.

Voilà que le philosophe fait en revanche l'éloge des livres et de la lecture. On plussoie. Ah oui, mais attention : pas tous les livres ! Il en existe en effet dont M. Onfray décourage franchement la lecture à ses ouailles. Presque, même, il les leur interdit. En effet, il ne faut pas lire, dit-il (je cite de mémoire), les livres dont les monothéismes considèrent qu'ils sont les seuls à devoir être lus. Et de citer expressément : le Coran et la Bible.

On coupe la radio, consterné.

On comprend déjà , dans un premier temps, comment M. Onfray, tout contestataire qu'il soit, a ses entrées à France Culture et sa place de parking à la maison de la radio : c'est qu'il rentre parfaitement dans le cadre du programme :
"Racontez ce que vous voulez (et n'importe quoi de préférence), pourvu qu'à un moment vous pensiez à cracher sur le christianisme". Et voilà comment nos flambants intellectuels rebelles à l'ordre établi (que le monde nous envie) ont néanmoins table ouverte et open bar sur le service public.

Malgré tout, on a du mal à croire qu'une énormité pareille puisse passer auprès d'un public soi-disant cultivé, ou désireux de l'être.

Déjà , on aimerait savoir qui a dit qu'il ne fallait pas lire d'autre livre que la Bible. Quel concile, quel pape, quel père de l’Église ? Certainement pas Augustin d'Hippone, ni Jérôme de Stridon, ni Thomas d'Aquin, ni Benoît XVI, qui avaient manifestement quelques bouquins dans leurs bibliothèques respectives. Alors qui ?

De tous temps les chrétiens ont eu dans leurs rangs de grands savants, honorés par toute L’Église, qui avaient lu bien des livres, y compris parmi la littérature non chrétienne (et c'est d'ailleurs grâce à eux que M. Onfray peut aujourd'hui parler de Platon et d'Aristote). Prétendre que le christianisme commanderait de ne pas lire d'autre livre que la Bible relève de la désinformation pure et simple - et d'ailleurs, s'il est un reproche à faire aux catholiques, qui restent l'espèce de chrétiens la plus fréquente dans le pays où vit M. Onfray, c'est plutôt de ne pas lire assez la Bible...

Une calomnie de plus. Mais qu'importe : les athées croient n'importe quoi pourvu que ça dise du mal de l’Église.

En revanche, ce qui est vrai à mon sens, c'est que si on ne doit lire qu'un seul livre dans sa vie, il sera certainement plus profitable de lire la Bible que n'importe quel autre livre ou compilation, fût-elle l'œuvre complète de Michel Onfray. Car dans l’Écriture Sainte se trouve toue la folie et toue la sagesse du monde, ainsi que sa rédemption. Il n'existe aucune production humaine semblable à ceci. Ou qu'on m'indique laquelle.


Il est donc déjà navrant que M. Onfray fasse croire aux auditeurs du Service Public que le christianisme réprouve la lecture des livres, en dehors de la Bible. Mais le plus affligeant reste quand même que le philosophe se mette, lui, en revanche, à proscrire à ses disciples la lectures de certains livres impies, et que ça passe comme une lettre à la poste (l'enregistrement qui passait à la radio provenait d'une conférence publique, or on n'entend à ce moment ni les sifflets ni les huées qui auraient dû se produire dans toute audience un tant soit peu saine d'esprit).

Sectateur de Michel Onfray, donc : tu ne liras ni le Coran, ni la Bible. Pourquoi ne pas lire le Coran ? Je ne l'ai pas lu moi-même, je l'avoue, mais je n'en retire aucune gloire particulière. Je le ferai dès que j'en aurai le temps (et que j'aurai épuisé la pile de bouquins à lire absolument, sur l'étagère). Pour ma culture générale, pour connaître la référence de ceux qui nous attaquent, pour comprendre les quatorze derniers siècles de l'histoire du monde.

Mais ne pas lire la Bible !? Dans un pays et un sous-continent forgé par la foi catholique ? Où pas une œuvre d'art importante (en musique, en peinture, en architecture) ne s'est fait en dehors de cette référence pendant des siècles ?

Plus encore : pour un athée militant anti-chrétien, ne pas lire la Bible ? Mais alors ils ne savent rien, ne veulent rien savoir de ce qu'ils combattent avec la dernière vigueur ? On espère quand même que M. Onfray en a ouvert un exemplaire, et quelques autres ouvrages chrétiens, avant d'écrire son "traité d'athéologie", à mois d'être un escroc intellectuel complet. Alors, s'il les a lus, de quel droit préconise-t-il aux autres de ne pas le faire ?

"Il est absurde au plus haut point qu'un bachelier ait pris connaissance des poèmes du Moyen Age, de Polyeucte, d'Athalie, de Phèdre, de Pascal, de Lamartine, de doctrines philosophiques imprégnées de christianisme comme celles de Descartes et de Kant, de la Divine Comédie ou du Paradise Lost, et qu'il n'ait jamais ouvert la Bible", écrivait Simone Weil il y a 70 ans. Certes les bacheliers d'aujourd'hui ne lisent absolument plus rien de ce qu'elle énumère. Mais tout de même...


Toi qui passes ici, éteins donc ton ordinateur et va lire un livre. Celui que tu veux. Même du Michel Onfray si ça te chante. Car, comme disait Saint Paul : tout est permis, même si tout n'est pas bon...



(*) Oui, on aurait pu s'attendre à des guillemets aussi à philosophe. Mais ce mot est-il aussi prestigieux qu'il le prétend ? La philosophie moderne, vaste entreprise de ratissage orgueilleux de la pensée, ne mérite-t-elle pas finalement Michel Onfray ?