mardi 25 novembre 2014

Le sens du tragique

Notre époque, qui ne lit plus, n'a plus aucun sens ni du drame romantique, ni de la tragédie. Le drame, qui navigue dans les brumes nordiques, permet d'accepter de ne pas tout comprendre aux ressorts de l'existence. La tragédie, qui se brûle au soleil de la Grèce, a cette vertu de montrer que parfois tout est parfaitement clair, et que pourtant aucun des choix qui nous sont laissés n'est acceptable.

La philosophie dite des Lumières dont dérive notre droit libéral veut tout réglementer sans laisser de vide juridique : ni le flou romantique ni le doute tragique ne sont admis.


La prostitution est un drame. Ceux qui s'y adonnent naviguent dans des eaux troubles, cette pratique étant à la fois injustifiable moralement et inévitable humainement. Le droit hésite entre la prohibition et la légalisation, n'admettant pas qu'il puise exister dans la société des recoins interlopes. Or si la répression risque de ne pas être une solution, la légalisation revient à accepter la banalisation de la prostitution qui deviendrait un métier comme un autre, la chair humaine étant définitivement considérée comme une marchandise.



L'euthanasie est une tragédie. Celui qui veut abréger les souffrances d'un être cher n'est peut-être pas un salopard, mais il n'en commet pas moins un meurtre et doit accepter d'être jugé pour cela. Le droit voudrait libéraliser l'euthanasie pour éviter d'avoir à se poser ce genre de cas de conscience. Ce qui revient à légaliser le meurtre.

Notre époque est incapable de se penser elle-même parce qu'elle n'a plus aucune littérature, le savoir ayant été remplacé par le charabia inutile et logorrhéique de la sociologie universitaire.

jeudi 13 novembre 2014

Paranomia

Dans l'Athènes antique, il existait un délit nommé Graphê Paranomôn ("écriture contre les lois"), qui désignait le fait de proposer à l'assemblée du peuple une loi contraire aux lois et usages existants (le grec nomos désignant aussi bien la loi que l'usage). Les lois nouvelles n'avaient donc pas pour but de chambouler l'ordre existant, et l'ancienneté d'une loi était un gage d'efficacité.

Dans les sociétés de droit libéral, le principe inverse a été adopté : en cas de conflit entre deux lois, c'est la plus récente qui s'applique au détriment de la plus ancienne.

Dans nos sociétés post-modernes, non seulement la priorité est donnée aux lois plus récentes, mais il est considéré comme de le première urgence de réformer tout ce qui parait démodé. L'ancienneté de la date de publication d'une loi ou d'un décret (quand bien même il aurait été modifié cent fois depuis lors) est souvent avancée pour justifier son abrogation.

Il n'appartient pas au promoteur d'une innovation législative de prouver le bien-fondé de sa réforme ; c'est à ses opposants de prouver que celle-ci pourrait s'avérer néfaste.

Plus encore, ceux qui s'attachent à défendre la loi existante se retrouvent suspects de conservatisme, de réaction, de sentiments haineux envers leurs contemporains et leur époque, et sont, de fait, voués aux gémonies, dans une espèce de délit de graphê paranomôn inversé.

C'est pourquoi les opposants à une loi trouvent généralement plus prudent de proposer une autre réforme plutôt que simplement prôner l'immobilisme : c'est pas que je sois contre la construction européenne, mais je veux une autre Europe... Oui bien sûr il faut réformer le système, mais pas de cette manière...

Même les opposants au délirant "mariage gay" ont fini par se croire obligés de proposer une union civile - qui existait pourtant déjà - comme alternative à la fameuse réforme sociétale.

Il faut retrouver le goût de l'immobilité. Renverser la charge de la preuve.

lundi 10 novembre 2014

Logique alimentaire

Syllogisme imparable :

Les produits alimentaires bio et fermiers sont chers et réservés aux plus riches.

Au Moyen-Age (et jusqu'à la révolution industrielle), tout le monde mangeait tous les jours des produits 100 % bio et fermiers.

Donc au Moyen-Age tout le monde était riche.

PS : Et contrairement à une idée reçue, en dehors de certains épisodes de famines liés à des mauvaises récoltes particulières ou à des guerres, on ne mourait pas de faim au quotidien au Moyen-Âge.