mercredi 7 janvier 2015

Requiem

Tuerie à Charlie Hebdo. 12 morts. Entendre la nouvelle de la mort de dessinateurs qui ont marqué votre jeunesse, même si vous avez ensuite rompu avec leurs idées, ne peut laisser froid.

Je fus un lecteur assidu de Charlie entre 1994 et 1999. J'ai lâché à cause du tournant pro-atlantiste de Val, devenu trop visible à partir de la guerre du Kosovo. Charlie était devenu le symbole d'une fausse impertinence et d'un vrai conformisme. J'ai toujours regretté de ne plus avoir un bon journal de dessins pour me fendre la poire.

Il n'en reste pas moins qu'il apparaît maintenant que le danger couru par Charb et consors était bien réel, et cela ne peut que forcer le respect.

Je prie pour le salut de leurs âmes, ainsi que pour les policiers tués.

Je prie pour la France, pour qu'elle ne sombre pas dans la guerre civile et qu'elle ne devienne pas un champ de bataille du prétendu choc des civilisations.

lundi 29 décembre 2014

Y'a-t-il une morale laïque ?

Non, bien sûr.

La notion de morale laïque, remise à l'ordre du jour par le ministère de l'Education nationale, n'a aucun sens, comme l'a souligné depuis longtemps Simone Weil : 

« Depuis deux ou trois siècles on croit à la fois que la force est maîtresse unique de tous les phénomènes de la nature, et que les hommes peuvent et doivent fonder sur la justice, reconnue au moyen de la raison, leurs relations mutuelles. C’est une absurdité criante. Il n’est pas concevable que tout dans l’univers soit absolument soumis à l’empire de la force et que l’homme puisse y être soustrait, alors qu’il est fait de chair et de sang et que sa pensée vagabonde au gré des impressions sensibles.
Il n’y a qu’un choix à faire. Ou il faut apercevoir à l’œuvre dans l’univers, à côté de la force, un principe autre qu’elle, ou il faut reconnaître la force comme maîtresse unique et souveraine des relations humaines aussi. 
(...)

« La force (...) est un mécanisme aveugle dont sortent au hasard, indifféremment, les effets justes ou injustes, mais par le jeu des probabilités, presque toujours injustes. (...)
Si la force est absolument souveraine, la justice est absolument irréelle. Mais elle ne l’est pas. Elle est réelle au fond du cœur des hommes. La structure du cœur humain est une réalité parmi les réalités de cet univers, au même titre que la trajectoire d’un astre
. » 
(Simone Weil, L'Enracinement, citée ici).

La morale laïque, au sens où l'entendent Mme Vallaud-Belkacem et ses inspirateurs, signifie la morale déconnectée de toute référence surnaturelle, donc reposant uniquement (à moins qu'il n'existe une source cachée qu'on aurait omis de nous signaler) sur le matérialisme athée. 

Or le matérialisme ne peut inspirer aucune morale. Il sera difficile d'enseigner aux élèves le darwinisme et la loi du plus fort en sciences naturelles de 9H à 11 H, pour ensuite essayer de leur demander d'être gentils et de partager avec leurs camarades en cours de morale de 11H à midi (surtout à l'approche du repas).

La morale laïque n'est qu'une parodie de la morale catholique, qui n'est elle-même qu'un sous-produit de la vraie religion, laquelle suppose d'établir un contact avec Dieu pour distinguer le bien du mal.

Mais il est vrai que l'Eglise catholique semble avoir renoncé elle-même à faire autre chose que diffuser une simple morale mondaine à l'attention des incroyants qui peuplent ses travées. Il m'a été pénible d'assister à une messe selon le rite ordinaire le soir de Noël, étant habitué depuis quelques temps à la pureté du rite tridentin. La nombreuse assistance a dû subir les imprécations de laïcs qui lançaient ce qui leur passait par la tête et qui leur semblait relever d'une morale moderne : "débarrassez-vous de vos préjugés", "soyez vous-mêmes", disaient-ils, sans qu'on sache bien si ces phrases profondes venaient d'Isaïe ou de saint Paul.

Pendant ce temps, le tabernacle était relégué au fond à droite de l'église et les hosties maltraitées, montrant clairement que ni les prêtres ni les laïcs ne portent aucun respect à Dieu. Pour eux la messe n'était qu'un rassemblement mondain où ils essayaient de faire passer leur camelote de contrebande, semblable en tous points à l'esprit du temps. 

Or ce qui ne vient pas du Ciel (c'est-à -dire des Écritures, de la Tradition ou de l'Esprit saint) vient du monde, donc du Prince de ce monde. La morale déconnectée de toute transcendance ne peut être que satanique.

La morale sans Dieu, quelle qu'elle soit, n'est que ruine de l'âme.

mercredi 3 décembre 2014

Alain Soral ou la vérité nue

Les détracteurs d'Alain Soral ne sachant plus que faire pour le neutraliser, voila qu'on publie des correspondances privées accompagnées d'un selfie dénudé.

On est censé s'offusquer des propos tenus, ou se moquer du personnage pris en défaut ; on est surtout stupéfait devant le manque de prudence de Soral qui, se sachant à la fois haï et surveillé, envoie pourtant des textes et des photos compromettants à une inconnue.

Mais au fond, peu importe.

Car en réalité cela fait des années que Soral nous livre sa pensée dans sa nudité la plus complète, qu'il se met à poils intellectuellement en livrant le fond de ses réflexions sans retenue, ni langue de bois, ni faux-semblants, presque sans filtre. Sans jamais évacuer aucune question gênante. Ceux qui le suivent au quotidien ont pu voir sa pensée évoluer en direct, dans un spectacle bien plus fascinant que n'importe quelle émission de télé-réalité.

Soral, c'est la vérité nue. On se dit qu'il peut peut-être se tromper, mais on sait qu'il ne trompe pas, qu'il ne cache rien.

Paradoxe de notre époque qui aime afficher la nudité à tous va : publicités, calendriers ou militantisme politique, tout le monde se fout à poils. Mais la plupart du temps cette nudité sert à masquer la réalité. Les femmes nues des affiches publicitaires cachent le caractère sordide de la marchandisation capitaliste ; les seins agressifs des Femens sont le faux-nez de l'oppression mondialiste déguisée en résistance à l'oppression "patriarcale".

Seul Soral, sans souci du qu'en-dira-t-on, est vraiment nu. 

Et par là-même, invincible.

mardi 25 novembre 2014

Le sens du tragique

Notre époque, qui ne lit plus, n'a plus aucun sens ni du drame romantique, ni de la tragédie. Le drame, qui navigue dans les brumes nordiques, permet d'accepter de ne pas tout comprendre aux ressorts de l'existence. La tragédie, qui se brûle au soleil de la Grèce, a cette vertu de montrer que parfois tout est parfaitement clair, et que pourtant aucun des choix qui nous sont laissés n'est acceptable.

La philosophie dite des Lumières dont dérive notre droit libéral veut tout réglementer sans laisser de vide juridique : ni le flou romantique ni le doute tragique ne sont admis.


La prostitution est un drame. Ceux qui s'y adonnent naviguent dans des eaux troubles, cette pratique étant à la fois injustifiable moralement et inévitable humainement. Le droit hésite entre la prohibition et la légalisation, n'admettant pas qu'il puise exister dans la société des recoins interlopes. Or si la répression risque de ne pas être une solution, la légalisation revient à accepter la banalisation de la prostitution qui deviendrait un métier comme un autre, la chair humaine étant définitivement considérée comme une marchandise.



L'euthanasie est une tragédie. Celui qui veut abréger les souffrances d'un être cher n'est peut-être pas un salopard, mais il n'en commet pas moins un meurtre et doit accepter d'être jugé pour cela. Le droit voudrait libéraliser l'euthanasie pour éviter d'avoir à se poser ce genre de cas de conscience. Ce qui revient à légaliser le meurtre.

Notre époque est incapable de se penser elle-même parce qu'elle n'a plus aucune littérature, le savoir ayant été remplacé par le charabia inutile et logorrhéique de la sociologie universitaire.

jeudi 13 novembre 2014

Paranomia

Dans l'Athènes antique, il existait un délit nommé Graphê Paranomôn ("écriture contre les lois"), qui désignait le fait de proposer à l'assemblée du peuple une loi contraire aux lois et usages existants (le grec nomos désignant aussi bien la loi que l'usage). Les lois nouvelles n'avaient donc pas pour but de chambouler l'ordre existant, et l'ancienneté d'une loi était un gage d'efficacité.

Dans les sociétés de droit libéral, le principe inverse a été adopté : en cas de conflit entre deux lois, c'est la plus récente qui s'applique au détriment de la plus ancienne.

Dans nos sociétés post-modernes, non seulement la priorité est donnée aux lois plus récentes, mais il est considéré comme de le première urgence de réformer tout ce qui parait démodé. L'ancienneté de la date de publication d'une loi ou d'un décret (quand bien même il aurait été modifié cent fois depuis lors) est souvent avancée pour justifier son abrogation.

Il n'appartient pas au promoteur d'une innovation législative de prouver le bien-fondé de sa réforme ; c'est à ses opposants de prouver que celle-ci pourrait s'avérer néfaste.

Plus encore, ceux qui s'attachent à défendre la loi existante se retrouvent suspects de conservatisme, de réaction, de sentiments haineux envers leurs contemporains et leur époque, et sont, de fait, voués aux gémonies, dans une espèce de délit de graphê paranomôn inversé.

C'est pourquoi les opposants à une loi trouvent généralement plus prudent de proposer une autre réforme plutôt que simplement prôner l'immobilisme : c'est pas que je sois contre la construction européenne, mais je veux une autre Europe... Oui bien sûr il faut réformer le système, mais pas de cette manière...

Même les opposants au délirant "mariage gay" ont fini par se croire obligés de proposer une union civile - qui existait pourtant déjà - comme alternative à la fameuse réforme sociétale.

Il faut retrouver le goût de l'immobilité. Renverser la charge de la preuve.

lundi 10 novembre 2014

Logique alimentaire

Syllogisme imparable :

Les produits alimentaires bio et fermiers sont chers et réservés aux plus riches.

Au Moyen-Age (et jusqu'à la révolution industrielle), tout le monde mangeait tous les jours des produits 100 % bio et fermiers.

Donc au Moyen-Age tout le monde était riche.

PS : Et contrairement à une idée reçue, en dehors de certains épisodes de famines liés à des mauvaises récoltes particulières ou à des guerres, on ne mourait pas de faim au quotidien au Moyen-Âge.

vendredi 24 octobre 2014

Apologie du catholicisme romain

Simone Weil (*), qui avait conscience d'avoir dans son cerveau tourmenté par les migraines, de l'or pur dont il lui fallait témoigner, a montré la voie vers le vrai Dieu. A rebours de la méthode pascalienne ("faites semblant de croire et vous croirez"), Weil a au contraire professé que la foi véritable vient quand l'esprit se dépouille de toute croyance parasite. Le vide créé dans l'âme par la disparition de toutes les illusions qui l'encombraient crée un appel d'air dans lequel peut venir se loger, si on sait l'attendre assez longtemps, Dieu.

Pour l'homme moderne, évidemment, les mensonges et les illusions dont il convient de se débarrasser ne sont pas les croyance irrationnelles ou surnaturelles dont on aime se gausser, mais au contraire la croyance dans la modernité, la science, le progrès, la culture, le sexe, les sentiments.

La vraie religion, c'est ce qui demeure quand on a cessé de croire à tout le reste.

Weil voyait dans la religion du Christ transmise par la tradition catholique un véhicule presque parfait pour renoncer aux illusions du monde et se tourner vers la vérité.

Notre époque hait le christianisme et à plus forte raison le catholicisme romain ; raison de plus pour se tourner vers celui-ci. Car ce qu'on lui reproche avant tout, c'est de disposer d'un clergé, d'une hiérarchie et d'institutions bien établies, ce qui est intolérable dans notre monde de réseaux et d'identités mouvantes.

Beaucoup se déclarent presque prêts à accepter le message du Christ, mais pas l’Église. Ils oublient que c'est cette Eglise qui a, depuis les origines, mis par écrit, transmis, interprété, propagé le message du Christ. Sans elle, ce message aurait depuis longtemps été dispersé, falsifié, oublié, dilué, relativisé. Voilà la réelle raison de la détestation de l'institution ecclésiastique : c'est bien au message du Christ qu'on veut faire la peau, même si on n'ose pas le dire ouvertement.

Car notre époque, qui est fille indigne du christianisme dont elle s'évertue à piétiner l'héritage, s'est approprié le "souci des victimes" (**) qui était celui du christianisme. Sauf que, contrairement à la parole du Christ, ce discours moderne de défense des opprimés ne sert pas à libérer mais à asservir. C'est désormais au nom de la défense des faibles et des minorités qu'on emprisonne, qu'on espionne, qu'on bride la liberté d'expression, qu'on mène des guerres de colonisation, etc.

Aussi le christianisme représente-t-il un concurrent gênant qu'il faut éliminer, écraser. Le protestantisme n'est pas trop embêtant, car le monde peut s’accommoder des croyances individuelles qui n'empiètent pas sur la place publique. L’Église catholique, elle, représente par sa seule existence un caillou dans la chaussure de l'empire capitaliste.

Les attaques médiatiques incessantes (films, documentaires, articles ou autres) contre l’Église se fondent sur les errements de la partie mondaine de celle-ci, dont les vices (réels) sont amplifiés, systématisés voire inventés (selon le lieu commun d'une Église toute puissante et intolérante). On n'ose pas s'attaquer au message lui-même qu'on se contente d'ignorer ou de caricaturer comme un "conte de fée pour enfants" sur lequel il ne faut même pas s'attarder. Il ne faudrait surtout pas donner l'idée à quiconque d'ouvrir la Bible.

Ces attaques, donc, sont injustes et exagérées. Mais même si on les démontait point par point (en faisant la lumière, par exemple, sur les croisades ou sur l'inquisition), si on montrait que la montagne des crimes de l’Église n'est qu'un caillou, les antichrétiens continueraient de trébucher sur ce caillou.

J'en sais quelque chose ; j'ai moi-même participé à la curée. Étudiant en histoire, et devant travailler sur un épisode dramatique de l'histoire contemporaine, j'avais réussi à trouver le moyen d'en attribuer la responsabilité à l’Église catholique - ce qui m'avais valu une excellente note. Rétrospectivement, je peux assurer que l’Église n'est pour rien dans l'affaire. Mais pour celui qui a décidé de faire la peau de l'infâme, la moindre erreur du moindre prêtre sera toujours l'occasion de condamner toute l’Église et d'en souhaiter la disparition rapide.

Les mêmes, au demeurant, vont souvent trouver toutes sortes de circonstances atténuantes au communisme d’État, qui n'en a pourtant pas beaucoup.

Ils ont des yeux et ne voient pas, ils ont des oreilles et ne comprennent pas : la prophétie d'Isaïe n'a jamais été aussi vraie qu'en cette époque ou par l'internet on peut avoir toutes les connaissances sous les yeux, et où pourtant on continue à se fourvoyer.

Quant à l’Église, si son action a pu être positive dans le monde, c'est lorsqu'elle a cherché en priorité le royaume des cieux et non un hypothétique royaume terrestre. Les monastères, les chants grégoriens, la liturgie resteront à jamais des phares dans la nuit, au contraire des actions circonstancielles et des déclarations politiques. L’Église est composée d'hommes, ce qui la rend vulnérable aux idées du temps (aujourd'hui plus qu'hier, puisque les hommes subissent l'influence quotidienne des écrans). Raison pour laquelle elle ne doit se mêler d'aucune politique, même et surtout si elle pense agir pour le bien.

Elle doit se contenter de guider les âmes vers le chemin du Christ. Il est possible que ces âmes en sortent plus fortes et plus charitables et que cela ait une influence positive sur le monde, mais cette action menée en tant qu'hommes et non en tant que chrétiens sera invisible.

Seule la conquête spirituelle des cœurs importe. Et la lutte ne peut se mener qu'en dévoilant l'inanité des croyances modernes (telle que par exemple cette ridicule croyance en la liberté de l'art, qui cherche à sacraliser l'art alors que celui-ci est précisément mort d'avoir évacué le sacré : voir l'affaire du machin vert ici).

Simone Weil a fait l'apologie du christianisme et s'est rapprochée du catholicisme romain, mais elle n'a jamais franchi le pas du baptême. Manque de temps ? Doute ? Crainte de retrouver embrigadée dans un camp ? Esprit de sacrifice extrême qui refusait même le réconfort du baptême ? Quoi qu'il en soit, sa pensée, qui a tracé un chemin d'or pur vers Dieu, nous laisse libre de suivre ce chemin jusqu'au bout ou pas.


(*) philosophe morte jeune, connue pour La pesanteur et la grâce, qu'on ne confondra pas avec Simone Veil, politicienne vivant depuis longtemps et connue surtout pour sa pesanteur.

(**) Cf René Girard - Je vois Satan tomber comme l'éclair